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Créations originales et Traductions de Paul Bétous
3 avril 2015

Petite histoire d'un manuscrit immigré. Une histoire où vous pouvez être le héros

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Né dans une petite maison d'édition indépendante, apprécié par une communauté locale restreinte mais pas pour autant négligeable – il avait même reçu le prix d'honneur au Salon du Livre de Santiago -, El libro cualquiera voulait parler au monde.

    Les parents de ce bambin avaient pris leurs temps pour l'engendrer,

        cherchant à peaufiner chaque cellule de son corps avant de le mettre au monde.

        ils avaient mis en branle chaque cellule de leurs corps pour le mettre au monde.

Fier de leur progéniture, ils firent connaître leur joyau à tous leurs entourages : la famille, bien sûr, les amis, évidemment, les collègues, pas tous, mais encore, les followers du moindre réseau social auxquels ils participaient et autres surfeurs du numérique. Ces créateurs tenaces voulaient parler au monde.

 

     El libro cualquiera était plein d'envie – certains parlèrent d'ambition… Il allait partir, mais il ne savait pas comment, sous quelle forme, dans quelle langue, avec qui. Il passa les frontières et s'installa sous des piles de confrères – certains parlaient de concurrents – sur les grands bureaux éditoriaux des pays homolingues. Ceux-ci étaient encombrés par d'innombrables neveux des prestigieux titres nationaux, envoyés là par leurs parents, eux-mêmes maîtres sur leurs terres.

    Mais il ne se découragea pas. Le pays ne lui était pas familier et, après tout, la vie de best-sellers ne pouvait guère se décider, tout au plus se désirer, et mieux valait l'écarter lorsque l'on était né dans une petite maison indépendante. Le don d'ubiquité dont il était naturellement doté, permis à notre ami de se présenter également

        aux grands circuits de distributions, et de diffusion, qui le remarquèrent à peine.

        aux oncles et cousins d'Amérique qui étaient, pour leurs enfants déjà, à la peine.

Malgré une langue partagée, les pays qui l'entouraient ne purent satisfaire au besoin qu'avait El libro cualquiera de s'ouvrir aux autres, à tous ceux qui, par goût ou par chance, voudraient bien lui faire une place au fond de leurs yeux. Loin de s'exiler dans les tréfonds de la dépression – certains y verraient de la dépréciation – le roman qui se voulait universel souhaitait changer de peau, sans y perdre son âme. Il aurait aimé étendre ses pages et s'envoler vers la Francophonie.

 

    Le trajet le plus court, mais aussi le plus rare quand la maison qui vous a vu naître n'a pas de famille à l'étranger, se faisait immobile.

    Trônant sur l'illustre présentoir d'une librairie fameuse,

    Trônant sur l'étagère pas trop sombre d'une librairie fréquentée,

    Partageant les rayons d'un distributeur local connu des professionnels étrangers,

    Partageant l'étal d'un vendeur ambulant sur le marché où se baladent les touristes,

        El libro cualquiera pouvait espérer taper dans l’œil d'un éditeur de passage, ou d'un scout littéraire au travail, qui saurait l'apprécier et serait en mesure de le publier. Mais, pour la plupart des dix mille maisons d'édition françaises par exemple, la tâche était risquée et le prix à payer, élevé. Parmi la multitude de livres non francophones existants à ce jour, ils n'étaient qu'une poignée, moins de douze milles par an, à se voir commercialiser en France. Quelles chances avait-il, lui qui prosait en espagnol, d'appartenir aux quatre cent trente-neuf titres qui seraient traduits depuis cette langue, commune à tant de peuples?

 

    Par bonheur et par conviction, ses parents ne jouaient pas à la loterie et ils ne manquaient pas d'énergie pour faire voir du pays à leur petit génie.

    Ils mirent en branle toutes les cellules de leurs corps sociaux, et firent le point sur leurs moyens, financiers et humains, pour parvenir à leur faim de partage.

    Ils cassèrent leurs tirelires et conçurent de beaux habits à El libro cualquiera pour le rendre présentable aux personnes respectables.

    Ils firent appel aux institutions culturelles de leur pays d'origine et de leurs collectivités locales, au nom du rayonnement national.

    Ils listèrent les éditeurs de cet ailleurs tant convoité et discutèrent vivement de l'opportunité de s'adresser aux premiers ou aux derniers d'entre eux – nous parlons de renommée et non de qualité.

        Et El libro cualquiera s’élança dans le labyrinthe éditorial français.

 

    Malgré ses habits de lumière et les résumés inventés pour éclairer sa pensée et son style, il ne trouva sur ses chemins que des maisons qui « [le remerciaient] de l’intérêt qu'[il leur portait] mais [elles] ne [pouvaient] pas répondre favorablement à [sa] demande », parfois, et malgré les apparences, il ne « rentrait pas dans la ligne éditoriale » ; serait-il trop marginal ?

    Alors que d'autres auraient déjà mis leur envie dans leur poche avec un mouchoir détrempé de larmes par-dessus, l’œuvre latine ne se résignait pas et elle voulût s'exprimer en français, malgré tout et tous. « Si je leur parle dans leur langue, avec leurs mots, je parviendrais peut-être à me faire entendre d'eux », se disait-il. Mais il n'avait pas d'argent et le taux de change ne le favorisait pas, il ne pouvait raisonnablement pas se payer un traducteur à vingt euros le feuillet. « Prenez un crédit », chuchotaient les sirènes de la Finance aux oreilles de ses géniteurs. Et si, bien que bilingue, on continuait à ne lui donner aucun crédit dans le monde éditorial français. Que feraient-ils d'une dette, sinon une longue et douloureuse diète ?

 

    Moi qui passais par là sur ces entrefaites, je leur racontais l'histoire d'un manuscrit qui avait fait le choix de l'autoédition pour son émigration.

– Voyez-vous, dis-je, je suis moi-même traducteur et, avec une auteure amie, nous avons décidé d'utiliser les outils que nous offre le numérique pour faire voir du pays à l'un de ses petits. Ainsi…

 

La suite de l'histoire est entre vos mains, il ne tient qu'à vous de donner une happy end au récit que je suis en train de faire à El libro cualquiera et, ainsi, lui apporter l'énergie nécessaire pour continuer sur la voie de la francophonie ; laquelle commence ici.

 

 

 

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